Rouleau de prière
Imprimé, début XVIIIe s. Constantinople. Fragment
Rouleau de prière
Imprimé, début XVIIIe s. Constantinople. Fragment
Etat : trois pièces recollées ; gravure sur bois rehaussée de couleurs rouge, vert, violet.
Le fragment contient des prières appelant la protection des anges, contre le mauvais oeil, contre la mauvaise langue, pour les voyageurs, contre le regard maléfique, suivies d’une bénédiction des prophètes et du sacrifice d’Abraham. Comme sur les phylactères manuscrits, le passage de la Genèse forme des losanges décoratifs comportant un élément cruciforme en leur centre. Les deux images gravées sur ce fragment sont très fréquentes. Un séraphin porte un labarum où est inscrit : « trois fois saint ». Le sacrifice illustre le moment où l’ange arrête le geste d’Abraham prêt à immoler son fils, les mains liées devant un récipient où brûle de l’encens. Bien que standardisée, l’iconographie attribue ici une plus grande liberté aux gestes des personnages, lointainement dérivés de la gravure occidentale. Deux autres fragments conservés du musée Fringhian semblent provenir du même rouleau produit, pour les nécessités de l’imprimerie, en plusieurs morceaux jointifs. Le contenu et l’illustration des phylactères imprimés ne semblent guère varier de ceux des rouleaux manuscrits. Deux rouleaux conservés dans une collection privée à Nice atteignent 4m de long et ont été obtenus à partir des mêmes bois que celui du musée. Des colophons, dont l’un porte la date de 1709, situent leur production à Constantinople d’où provient sans doute ce fragment comme, d’ailleurs, vraisemblablement un grand nombre d’amulettes manuscrites.
Provenance : ancienne collection Nourhan Fringhian.
Bibliographie : catalogue du musée Fringhian, 1989.
Paris, Musée arménien de France, fondation Nourhan Fringhian.
Ioanna Rapti
cf Armenia Sacra, p. 32. Editions Somogy/Musée du Louvre 2007.
L’art du livre en Arménie est lié à l’invention de l’écriture. Jusqu’au Ve siècle de notre ère, les habitants du plateau arménien avaient successivement utilisé l’écriture cunéiforme (Ourartou), puis, au fur et à mesure des conquêtes, l’araméen (époque perse), le grec (période hellénistique et parthe) et les caractères latins (domination romaine).
Poussé par la nécessité d’avoir une écriture spécifique adaptée à la langue, un moine arménien, Mesrop Mashtots, inventa vers l’an 405 un alphabet composé de trente-six lettres ou graphèmes correspondant aux trente-six phonèmes de la langue orale utilisée au Ve siècle.
Le livre le plus diffusé et reconnu dans cette nation chrétienne, fut retranscrit en premier : La Bible.
Ceci permit l’apprentissage de l’alphabet par les nombreux copistes des monastères qui agirent comme un réseau de diffusion de la chrétienté renforçant par là même, l’identité arménienne. Cette transmission d’une culture et d’une religion permit de protéger l’identité d’une civilisation au-delà des vicissitudes de l’histoire.
Les textes furent au début, pour la plupart, de nature religieuse, bibliques (Bible-Evangiles) ou liturgiques (Lectionnaires-Hymnaires-Psaumes-Homéliaires, etc.).
À partir de la fin du IXe siècle, les multiples ouvrages crées dans les monastères, diffusent l'alphabet, la langue, la foi et la culture à travers l’écriture : et c’est l’union de la lettre et de la religion qui, malgré les atermoiements de l'Histoire lui supprimant régulièrement ses propres frontières, assureront la survie de ce peuple.
Pour agrémenter la lettre, le peintre prête son concours au scribe et c’est au travers du livre que nous avons la meilleure expression de l’art pictural arménien.
En 1511 apparaît le premier livre imprimé arménien, mais l’importance du manuscrit est telle que, au contraire des autres pays, l’impression de livres arméniens n’atteindra son plein développement qu’au XVIIIe siècle et ne pourra remplacer l’œuvre de la main avant le XIXe siècle.